Liberté, indépendance et neutralité, un précieux héritage malmené

Toast à la Patrie
Céline Amaudruz, conseillère nationale, présidente UDC Genève.
Liberté, indépendance et neutralité, un précieux héritage malmené
Au premier jour d’août 1291, une poignée d’hommes se sont réunis sur la prairie du Grütli pour prendre en main leur destin. Ils avaient décidé d’affronter « la malice des temps » unis et libres.
Dès ce jour historique, notre pays a traversé les époques pour devenir celui dans lequel nous avons la chance de vivre aujourd’hui. Depuis deux siècles, pratiquant une politique prudente basée sur la neutralité, la Suisse a pu échapper aux grands conflits qui ont endeuillé le continent. Elle a aussi pu accueillir le siège de la Croix-Rouge fondée par le Genevois Henri Dunant, la vocation initiale de cet organisme étant de venir en aide aux militaires blessés sans distinction entre belligérants. Ce fut durant longtemps la force et la particularité de notre pays, celle de pouvoir venir en aide partout sans juger ni les uns ni les autres.
Aujourd’hui, ce principe bat de l’aile. Nombreux sont les acteurs politiques prêts à tourner le dos à la neutralité pour jouer dans la cour des grands, pour peser sur les affaires du monde. Les premières victimes de cette vision de la neutralité dite active sont les celles et ceux à qui nous ne sommes plus en mesure de porter secours car nous avons pris parti. Alors que nous jouions un rôle quasi exclusif sur la planète grâce à nos bons offices, nous sommes en train de devenir un pays comme les autres, avec ses alliés et ses adversaires voire ennemis. La neutralité est ou n’est pas. Il n’y a pas de neutralité à géométrie variable comme on semble le penser à Berne.
Le prix de ce revirement majeur sera d’autant plus élevé que nous avons placé notre pays dans une situation très délicate en matière d’approvisionnement énergétique notamment. Nous avons délibérément tourné le dos à une énergie décarbonée et produite chez nous en renonçant au nucléaire avant de savoir par quoi on allait la remplacer. Le renouvelable serait au rendez-vous, nous disait-on. Malheureusement, ce fameux renouvelable n’est pas là, nous rendant dépendants de l’étranger. Même chose pour ce que nous mettons dans notre assiette. A force de contrarier l’agriculture suisse, nous avons réduit notre taux d’auto-approvisionnement à tel enseigne que nous sommes à peine capables de produire la moitié de nos besoins en nourriture. Là-encore, c’est vers l’étranger que nous devons nous tourner pour nous nourrir. Il en va de même au niveau militaire. Beaucoup annonçaient la fin des guerres conventionnelles en Europe, réclamant l’allégement des budgets de l’armée voire sa suppression pure et simple. Et cette guerre impossible vient de frapper l’Ukraine, mettant en évidence l’état précaire de l’institution censée garantir l’intégrité de notre territoire. Il est maintenant temps pour les mêmes d’entrer dans l’OTAN, alliance en contradiction totale avec notre politique traditionnelle. Le salut venu de l’étranger, encore et toujours.
Après la neutralité, c’est notre indépendance qui s’effondre. Et celui qui dépend n’est pas libre, il est tributaire, il est enchainé. Nous nous trouvons aujourd’hui très exactement dans la situation qui avait poussé nos devanciers du Grütli à s’unir pour affronter « la malice des temps. » Mais contrairement à eux, nous nous sommes délibérément placés dans cette inconfortable situation. Nos choix nous ont conduits à renier notre héritage séculaire juste pour singer les puissants de ce monde.
En ce 1er août 2022, nous avons l’occasion de nous pencher sur notre histoire, sur les valeurs qui ont guidé les fondateurs de notre pays et de nous demander si nous avons su nous montrer dignes d’eux. Qu’avons-nous fait de cette Suisse libre, indépendante et neutre qui était la nôtre il n’y a pas si longtemps encore ? La réponse risque d’être cruelle mais peut-être nous poussera-t-elle à revenir aux fondamentaux qui ont fait le succès de la Suisse, fondamentaux bien malmenés que nous sommes trop peu à défendre aujourd’hui.
En attendant, profitons de cette fête en l’honneur de la Suisse et de ses fondateurs, ils le méritent bien. Joyeux 1er août !