05 février 2013

Article sur la famille: contradictions insupportables

famille

(UDC Suisse, le 5 février 2013) Les partisans du nouvel article constitutionnel sur la politique familiale évitent soigneusement de parler des coûts de leur projet. On les comprend: les conséquences financières d’une intervention de la Confédération dans la garde des enfants risquent d’être énormes, tout comme les contradictions dans lesquelles s’enfoncent les milieux favorables à cet article quand ils évoquent leurs idées d’application.

Cette nouvelle disposition constitutionnelle sert de base à une extension de l’offre publique. Ce fait est incontestable. La nouveauté de cet article n’est pas du tout l’inscription de la famille dans la Constitution fédérale comme tendent à le faire croire les partisans de ce projet. La famille a déjà sa place dans la charte fondamentale, c’est-à-dire à l’article 116. La disposition, qui prescrit la prise en compte et la protection de la famille, a tout simplement été transférée dans le nouvel article. Ce qui est nouveau, en revanche, ce sont les deux alinéas qui exigent le soutien de l’Etat pour concilier la vie de famille et l’activité professionnelle ainsi que la mise en place d’une offre suffisante de structures d’accueil extrafamiliales et parascolaires des enfants. Quand il est question de « pourvoir » et d' »encourager » dans un texte de loi, c’est toujours pour faire passer l’Etat, donc les contribuables à la caisse. Il est lamentable que les milieux soutenant ce projet n’admettent même pas cette évidence. Car s’il ne s’agissait pas de mettre en place de nouvelles offres et structures, il n’y aurait pas besoin d’un nouvel article constitutionnel.

« Offre appropriée »
Nombre de partisans de ce nouvel article constitutionnel se plaignent bruyamment d’une insuffisance de structures d’accueil extrafamiliales et parascolaires. Concernant les enfants en âge préscolaire (0 à 4 ans), ils évoquent un manque de 50 000 à 120 000 places. Le conseiller fédéral compétent n’ose même pas estimer publiquement le coût d’une telle infrastructure alors que la notion d' »offre appropriée » est un élément central du nouvel article. Dans ses délibérations de l’an passé, le Parlement s’est fondé sur les chiffres d’une étude remontant à 2005 (!) selon laquelle il manquerait des structures d’accueil pour au moins 120 000 enfants, ce qui équivaut à 50 000 places. Le compte est vite fait: à en croire les chiffres publiés par l’Office fédéral des assurances sociales, 50 000 places d’accueil coûtent au total 1,5 milliard de francs par an. 120 000 places, autre chiffre avancé par les défenseurs de ce projet, coûtent donc 3,5 milliards de francs par an. A ce montant il faut ajouter les structures d’accueil pour les enfants en âge de scolarité (par ex., les écoles de jour) qui sont trois fois plus nombreux que ceux de la catégorie précédente. Le prix par place est certes un peu plus bas, mais il n’est pas nécessaire d’être grand mathématicien pour se rendre compte que là encore la facture se montera à plusieurs milliards même si les parents paient une partie des frais de garde.

On affirme souvent concernant les structures parascolaires que la réforme scolaire HarmoS exige de toute manière de telles infrastructures dans certains cantons. La facture n’en sera pas allégée pour autant, mais cette argumentation met une fois de plus en évidence les contradictions énormes dans lesquelles s’enfoncent les partisans de l’article sur la famille: pourquoi ce nouvel article est-il nécessaire si les objectifs visés peuvent être atteints avec les dispositions constitutionnelles en vigueur?

Vers une extension de l’Etat social
Cela dit, certaines mesures d’encouragement envisagées nécessitent effectivement une nouvelle base constitutionnelle. La Commission fédérale de coordination pour les questions familiales (CFCF), une des grandes promotrices de ce nouvel article constitutionnel, revendique un congé parental qui, selon le modèle, coûte entre 1,1 et 1,6 milliards de francs par an. Le weekend dernier, la gauche a propagé via les médias l’idée d’une prolongation du congé de maternité jusqu’à six mois. Coût de l’opération: environ 500 millions de francs par an.

C’est une évidence: un nouvel article constitutionnel pour la promotion de la famille entraînera forcément une extension de l’Etat social. Dans ces conditions, le refus du Conseil fédéral de se prononcer sur les coûts de ces réformes est trompeur et malhonnête. On nous dit que le législateur devra encore approuver les applications concrètes et que les coûts devront surtout être supportés par les cantons et les communes. Mais le législateur, c’est ce même parlement qui a approuvé à une majorité écrasante ce nouvel article. En clair, il a ouvert une véritable boîte de Pandore. Les prétextes avancés pour ne pas aborder les conséquences concrètes de cet article sont ridicules. Et si, effectivement, personne ne sait combien tout cela va coûter, donc si ce projet a été approuvé à l’aveugle, alors nous sommes en face d’un travail législatif irresponsable de la part du Conseil fédéral et du Parlement.

Les cantons n’y ont aucun intérêt
Les déclarations des partisans de ce projet sur les conséquences de l’article sur la famille sont elles aussi pleines de contradictions. Pourquoi donner à la Confédération un droit explicite d’intervention si, comme ils prétendent, on ne change rien aux compétences? A ce niveau aussi le compte est vite fait: soit la Confédération impose ses conditions et en supporte les conséquences financières et, dans ce cas, il en résulte des dépenses fédérales à la charge des contribuables; soit les cantons et les communes comblent sans l’aide financière de la Confédération la lacune critiquée par le Conseil fédéral et les partisans de l’article sur la famille. Dans ce cas aussi, le contribuable efface l’ardoise. Ce scénario n’est donc certainement pas dans l’intérêt des cantons. La Confédération participe aujourd’hui financièrement à la politique familiale du canton de Vaud, qui a déjà inscrit un tel article dans sa constitution, avec une contribution de 1,4% (!) aux charges globales d’accueil des enfants. Si un nouvel article constitutionnel est approuvé au niveau fédéral, la Confédération prendra la barre et dictera ses conditions.

Partant de ce raisonnement, il n’y a strictement aucune raison de chambouler le régime actuel des compétences dans lequel les particuliers, les communes et les cantons mettent en place des offres de garde complétant la famille et l’école. Le nouvel article provoquera incontestablement des frais supplémentaires, évincera l’initiative privée et mettra en place des structures qui ne correspondront précisément pas aux besoins parce qu’elles seront imposées de manière centralisatrice sans tenir compte des conditions locales (villes et campagne, par exemple) et aussi parce qu’elles provoqueront une demande artificielle en raison des effets de la redistribution et du subventionnement.

Plus d’informations: www.etatisation-enfants-non.ch


Martin Baltisser, secrétaire général UDC Suisse